Quelque part dans l'Est ֍ On le voit au loin, l'homme caché sous une épaisse couche de vêtements. Assis en tailleur sur une terre gelée alors qu'une épaisse couche de neige recouvre déjà le sol. Ses mouvements semblent ralentis par une épaisse fourrure dans laquelle il s'enroule alors que les flocons de neige continuent à tomber entre les branches d'arbres décharnés. Juste devant lui, un petit feu créé de la main de l'homme, dont les flammes orangées viennent lécher un bout de viande qui chauffe sur une broche de fortune ; repas frugal qui s'annonce pour celui qui vient de passer des jours dans ces étendues sauvage où si peu d'âmes semblent enclines à vivre.
Derrière ses paupières fermées, viennent se retracer les contours de ce qui a été vécu depuis qu'il a quitté un tout autre paysage, un tout autre pays aussi. Puisque ça fait quelques jours maintenant, que l'univers magique anglais n'aura pas vu le dernier champion du tournoi des trois sorciers. Quelques jours aussi qu'il n'aura pas fait une apparition dans ses cours à l'université. Beaucoup moins de temps, en revanche, qu'il aura gardé le silence pour les membres de son clan. On le penserait en train de dormir alors qu'il n'y a aucun mouvement de son corps sous ces vêtements qui le recouvrent presque entièrement, comme si le froid l'avait figé depuis un moment maintenant et ce, bien que la neige ne laisse que de fines marques de son passage sur sa chevelure d'ébène. Il est un étonnant silence dans ce paysage qui ne semble pas plus vivant que lui. Et pourtant...

Pourtant sous cet épais manteau, celui qui le recouvre presque entièrement ; il y a cette masse qui s'agite, qui se contorsionne contre le corps de son maître jusqu'à sortir sa tête par un interstice. Le mouvement lui fera ouvrir les yeux et considérer la créature qui semble vouloir rechercher un peu plus de chaleur mais qui reste incapable de se tenir immobile. La curiosité d'un âge trop jeune et la carrure pourtant bien imposante pour un nouveau né. Le clignement de paupières de l'homme semble vouloir lui dire quelque chose alors que le regard de la créature se tourne vers lui, sa tête prenant un angle étrange quand il se contorsionne, plantant ses griffes dans les jambes de son propriétaire pour trouver un meilleur appui. Il semblerait qu'il y ait comme une habitude ici, celle de faire le moins de bruit possible ou celle de prendre le temps de faire les choses. Car entre les mèches de cheveux qui viennent encadrer le visage de l'homme, on découvre un sourire. Une expression fine qui vient étirer doucement ses lèvres où le froid commence à marquer une légère emprise. Pour qui saurait observer, ce passage d'une émotion pourrait venir se refléter dans ses yeux alors qu'il s'agite lentement sous la peau de bête qui recouvre son corps.

L'homme solitaire semble chercher quelque chose dans les pans de ses vêtements pendant qu'une de ses mains vient se poser sur le corps de l'animal, comme pour le faire patienter où lui offrir quelques caresses dont peu d'humains pourraient se vanter d'avoir déjà bénéficié. Et c'est avec une étrange délicatesse qu'il va continuer sa recherche jusqu'à sortir un biberon en verre rempli de lait. Le temps qu'il le pose près du feu, la créature se sera animée, muée par l'envie de prendre son repas ou de venir glaner quelques friandises qu'elle trouvera au creux de la paume de son maître. Il n'y aura toujours pas de mots, pas plus de balancement rassurant pendant que le regard de l'homme retourne se perdre dans les flammes, un instant suspendu avant qu'il ne tende encore son bras, découvrant un vêtement traditionnel nippon lorsque la fourrure en glisse pendant qu'il retire la nourriture du feu puis vient envelopper le biberon de ses doigts fins, sentant la chaleur qui s'en dégage avant de le présenter à l'animal.

Silence toujours, même si on pourrait presque entendre une mélodie s'élever dans les airs alors que le Zouwu prend le temps de savourer ce qui lui servira de repas pour ce soir. Alors que son maître, au regard si polaire viendra faire de même quelques instants après, glissant entre ses dents ce qui reste d'un lapin à la peau brûlé et où la chair manque cruellement. Frugal, on a dit. Et loin d'être modifié par la magie. Le goût sera là, ou pas. Tandis que le Zouwu cherche, une nouvelle fois, la chaleur des couvertures, de quoi se lover quelques secondes encore et s'étirer de tout son long. Pesant ainsi encore plus lourd sur les jambes croisés de l'homme dont le sourire a disparu depuis un moment maintenant. Et dont le regard, toujours aussi fixe, ne reste animé que par les braises incandescentes devant lui.
La scène retrouvera pourtant cette immobilité qui la caractérise alors que, pendant un moment, seul le bruit de ces flammes et de cette neige qui continue de recouvrir le sol, se feront entendre. Il faudra attendre que la créature entre dans un demi-sommeil, repus, pour voir autre chose se dessiner. Pour voir cette fourrure venir couvrir un peu plus de l'homme et de son animal à qui il ne parlera toujours pas. Si ce n'est avec ce regard quand il vient placer un instrument de bambou devant sa bouche, laissant quelques notes s'échapper dans les airs. Une mélodie qui rend l'étrangeté de cette scène encore plus irréelle. C'est comme si le monde s'était arrêté de tourner, si la mort avait frappé en même temps que l'arrivée d'un nouvel hiver.

C'est un paysage emplit de solitude que seule la musique vient bercer. Tout comme elle bercera l'animal dont les yeux vont finir par se fermer et d'où un léger ronflement va bientôt s'élever. Comme un ronronnement un peu trop intense pour être celui d'un chat, mais trop faible également pour venir couvrir la simplicité des notes de musique. Et comme l'animal, le maître finira par fermer ses paupières également, l'oreille attentive aux bruits de la nature qui pourraient venir perturber cette paix.
Derrière ses yeux, c'est un autre paysage que l'on pourrait découvrir. Un paysage de fin d'automne, où les feuilles sont déjà rougies par le temps qui passe et où la neige sera remplacée par la chute de ces dernières.
C'est un souvenir qui se dessine et qui trouve échos dans le regard d'un homme qui lui fait face. Les armes seront rangées, accompagnées par un sourire qui naît aussi simplement qu'il meurt sur les traits du plus jeune. Et c'est une sensation aussi, plus vivace que ce à quoi on pourrait s'attendre.

L'entrelacs des scènes pourrait sembler étrange, car qui se doit de regarder le passé ? Pas cet homme perdu dans cette neige où le seul sentiment de vie émane d'un feu qui sera bientôt mourant. Pourtant, c'est bien un fil de réflexion qui danse dans cet esprit dont les méandres sont trop profonds. C'est la fin d'un entraînement par les armes qui aura duré assez de temps pour faire naître autre chose qu'un silence pesant. Ça aura été une danse à armes égales et à techniques comparables même si l'oeil aguerrit pourrait y voir des différences. Pourtant ce n'est pas cette scène, de métaux qui s’entrechoquent qui est observée, c'est celle qui sera née après. Celle d'un sort qui pousse l'esprit de l'un à venir s'insinuer dans celui de l'autre. Une autre forme de combat d'où les images tentent d'être tirées, comme pour faire taire une faiblesse alors que le plus jeune tente de créer les remparts qui lui auront manqués quelques temps auparavant. Dont il n'aura de souvenir que les dire plutôt que les sensations. Ce sont des voiles noirs qui sont retirés les uns après les autres, là où il manque quelque chose que seul la parole viendra combler.

Au delà de ça, simplement, c'est se mesurer au pouvoir de l'autre, un complet opposé qui permet de faire grandir son propre corps, ses propres capacités alors que l'un pousse à entrer pendant que l'autre essaye de l'en empêcher. C'est une conversation aussi intense qu'un duel qu'il soit magique ou non et ce sont des forces qui viennent chercher les faiblesses de l'autre. Même si le marbre des visages donnerait presque la simple impression que le temps vient de se suspendre et qu'il ne se passe plus rien entre les deux hommes, rien de plus qu'un jeu de regard entre deux membres d'une même famille. C'est pourtant au-delà de ça alors que la cible, dont le corps est toujours sous tension, essaye d'empêcher ses souvenirs, bribes de mémoires, de lui filer entre les doigts, de courir dans l'esprit de l'autre pour y être inspectée et découvertes. C'est un sentiment étrange que d'avoir cette impression que les muscles viennent lentement se détendre alors que l'esprit se tend un peu plus, sans raison apparente. C'est aussi épuisant que de créer ces barrières pour qu'elles ressemblent à celle érigée par le corps, la voix ou le regard. Cette distance que tous peuvent observer à chacun des mouvements de l'homme. Ici, c'est intérieur, comme un conflit entre deux formes de pensées. Une différence qui se marque dans la résolution du porteur de l'occlumencie à ne pas voir son esprit pénétré. Comme si le secret d'une vie devait pouvoir continuer et se distiller sous toutes ses formes. Comme si le monde, à l'extérieur, devait simplement être purement coupé de lui. Qu'il le traverse sans y être de même que ce qu'il cache à l'intérieur de sa tête.

C'est un contrôle mental qu'on vient imposer à son propre cerveau dont les pensées et les ressenties devraient pourtant être libre. C'est une nouvelle forme de préservation qui naît dans cette tension entre les deux êtres. Une tension qui finira par disparaître, tout comme les armes auront été rangées un peu plus tôt. Et qui laissera sûrement les corps et les esprits bien plus fatigués qu'il n'y paraîtra. Ce sera aussi la marque d'un dernier instant passé en compagnie d'une personne que l'on connaît, d'un bras droit, d'une famille et d'un clan. Car sous les paupières closes, lorsque la musique de cette flûte s'arrêtera, ce sera pour se rouvrir sur ce paysage sans vie, d'un blanc presque immaculé alors que seul les arbres se dressent vers le ciel comme autant de flèches noires. Ce sera l'absence d'êtres chers à proximité si ce n'est celle de l'animal qui s'est maintenant endormi.
Le dernier mouvement, celui d'une tête qui se baisse viendra quelques secondes après que l'homme en noir ait ajusté son manteau de fourrure autour de lui, jusqu'à presque disparaître dedans. Ça pourrait être le symbole d'une nuit naissante bien qu'il ne s'endormira pas ce soir ; pas même lorsque le feu viendra définitivement mourir devant lui et qu'il ne le rallumera pas. Alors enfin, sous les étoiles de ce ciel enneigé, on ne verra plus que le noir. Une couleur où rien ne viendra briller et où le silence restera roi.